Hiroshi Watanabe / Suo Sarumawashi

© Hiroshi Watanabe


...l'anthropologie nous a montré que bien plutôt "qu'anthropomorphiser l'animal", l'homme a choisi le plus souvent de se sacraliser en s'animalisant. Le primitif "n'élève pas" la panthère au rang de l'homme; il se fait panthère. L'enfant qui joue au chien s'imagine chien. Le miracle - et l'enfant et le primitif le sentent - est que précisément la même vie, les mêmes viscères, les mêmes processus digestifs ou reproducteurs, avec certaines différences dans le détail physiologique, certes, fonctionnent à travers cette quasi infinie variété des formes, et parfois avec des pouvoirs que nous n'avons pas. Il en va de même des émotions surgies de ces viscères.
Marguerite Yourcenar, Les Yeux ouverts, 1980.


Sarumawashi : la danse des singes. Tradition millénaire, rituel sacré devenu un spectacle de divertissement populaire. Avec le Nô et le Kabuki, le Sarumawashi est l'une des traditions théâtrales les plus anciennes du Japon.
Dans cette série, Hiroshi Watanabe a photographié les macaques en donnant d'eux une représentation bien éloignée de l'imagerie bouffonne qu'on pourrait attendre de ces singes savants. Il appréhende ces portraits avec la même délicatesse empreinte de sérénité que ceux qu'il a consacrés aux acteurs de Kabuki. Ces images, à la fois  fascinantes et inquiétantes, semblent percer le secrets de ces animaux. Ils viennent incarner ici autant de créatures fabuleuses frappées d'un obscur sortilège : les attitudes et les expressions des primates sont singulièrement humaines.
Irrémédiablement, l'idée d'anthropomorphisme affleure. Mais si ces photographies suscitent autant le trouble, c'est peut être moins par l'humanité qu'elles dévoilent dans le regard des macaques, que parce qu'elles font saillir dans notre regard un sentiment d'étrangeté qui nous renvoie à notre sauvagerie première comme à notre part d'animalité.


© Hiroshi Watanabe