© Georges Rousse
L'œuvre de Georges Rousse est à la croisée de la peinture, de la sculpture et de l’architecture. Pourtant, ses œuvres sont des photographies.
Tout commence par la recherche du support de sa création, et ce support est toujours un espace architectural. Parcourant le monde en quête d’usines condamnées à la démolition, de maisons désertes, de bâtiments désaffectés, il se les approprie et les transforme.
Il place son appareil photographique pour déterminer le point exact depuis lequel il prendra la photographie. Puis il procède à la métamorphose du lieu. Privilégiant l’abstraction et les volumes géométriques, il dessine ou peint sur les murs et le sol des cônes, des parallélépipèdes, des pyramides, des cercles. Il tire parti des ouvertures existantes (portes, fenêtres, couloirs) ou en crée lui-même en détruisant une partie des murs ou du sol, pour construire de fausses perspectives et donner le sentiment du volume. De cette intervention naîtra une image virtuelle, car en réalité, il “transforme” ces surfaces peintes en volumes par l’intermédiaire de l’appareil photographique : il crée l’effet de perspective et de profondeur, presque celui de la sculpture monumentale, par le point de vue unique depuis lequel il photographie son “installation”. La photographie constitue donc l’ultime étape de son processus de création, et elle seule a valeur d’œuvre, elle seule est exposée (les lieux où il opère étant voués à la destruction ou au réaménagement, il ne reste aucun autre témoignage durable de son intervention éphémère) et le processus de création reste inconnu et indéchiffrable pour celui qui regarde l’image.
Aucune intervention du numérique dans l’œuvre de Georges Rousse. Il se situe dans une filiation directe avec les travaux des peintres de la Renaissance sur la perspective. Ces derniers ont en effet élaboré les règles qui permettent de créer l’illusion de la profondeur sur un support plat (mur, toile, papier). Avec une exceptionnelle maîtrise des lois de la géométrie, Georges Rousse reprend ces mêmes principes en les appliquant dans un espace dont il bouleverse la perspective préexistante.
Ses images sont lisibles depuis un seul point de vue. Elles sont autant d’inquiétantes énigmes dès lors que l’on cherche à comprendre leur mode de composition. Sa méthode rappelle l’anamorphose. Aussi, Georges Rousse ne se limite pas à créer des trompe-l’œil monumentaux. Par le biais de la photographie, il ouvre un seuil vers une autre dimension en matérialisant une image virtuelle, fruit de son imagination.
Extrait de mon commentaire paru in La grande aventure de la photographie, SCEREN-CNDP, 2005.