Ophélie / Joan Fontcuberta


© Joan Fontcuberta

Ophélie, femme fantôme, femme apparition, flotte entre deux eaux et entre deux mondes.Une image palimpseste. D'abord un tableau de 1855 de Delaroche. L'affiche de ce tableau ensuite photosensibilisée par l'artiste. Enfin, le photogramme d'un corps de femme étendu. Plusieurs générations d'images, comme autant de couches sédimentaires venant se superposer les unes aux autres.De toutes les techniques photographiques, le photogramme est la plus ancienne, mais surtout la seule qui soit une image de contact, non pas visuel, mais physique. Sans intermédiaire et immédiate. Si la photographie met le réel à plat, ici le corps ne pouvait donc pas être plus couché sur le papier. Une transsubstantation par la lumière. Pourtant, la trace laissée, même si elle donne le sentiment d'une rémanence, n'en demeure pas moins la révélation d'une absence (l'image ne fait plus corps avec le corps de la femme, il n'y a plus d'adhérence) comblée par l'autre femme - peinte celle-ci. Une autre Ophélie qui vient remplir le vide laissé par l'empreinte charnelle de celle qui s'est allongée sur la surface sensible. Chaque image contient et répand l'autre tout à la fois. Un phénomène incessant d'apparition/disparition, de flux et reflux d'une femme fantôme qui se dérobe et laisse l'image dans un état intermédiaire, en flottement dans une perpétuelle béance.