Rinko Kawauchi



© Rinko Kawauchi

Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour.
Ancien testament, La génèse.

Pas grand chose, d'abord. 
Un oeuf à peine éclos. Un bouton-vulve, velu, de coquelicot qui s'ouvre. Un enfant proche de l'envol.
De la matrice surgit la vie. La coquille se craquelle, la fleur semble proche de l'éclatement. L'enfant de la délivrance. C'est le moment limite. Celui où la vie soudain, féconde, s'apprête à surgir. 
La photographie alors révélatrice, elle-même matrice de la lumière et de l'instant. Tout est encore contenu, dans l'oeuf, dans l'image, dans le cadre. Kaïros photographique. Instant le plus fécond, celui qui fera le mieux comprendre l'instant qui précède et celui qui suit.* Non pas celui de l'événement, de l'instant où tout se noue ou se dénoue, mais celui de l'avènement, celui qui précède l'épiphanie. Celui qui laisse deviner l'apparition prochaine. Petite mystique photographique. L'instant précédent le jaillissement de la vie.

* E.G. Lessing, in Laocoon (1766), Paris, ed. Hermann, 1990.