Donna Ferrato / Living with the Enemy

For 5 years, Janice had been living with R.J., a violent man with a large gun collection who was 
in the habit of shooting so as just to miss her, Minneapolis, 1983. © Donna Ferrato

Caroline says / As she gets up off the floor / Why is it that you beat me / It isn’t any fun
Caroline says / As she makes up her eyes / You ought to learn more about yourself / Think more than just I
Caroline says / As she gets up from the floor / You can hit me all you want to / But I don’t love you anymore
Caroline says / While biting her lip / Life is meant to be more than this / And this is a bum trip
Lou Reed

Nul n'est plus arrogant à l'égard des femmes, agressif ou dédaigneux qu'un homme inquiet de sa virilité.
Simone de Beauvoir,
 Le deuxième sexe.

Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.
Devise des Révolutions de Paris, Louis-Marie Prudhomme, 1789.


En 1982, alors qu'elle consacre un reportage à une riche famille américaine, Donna Ferrato est le témoin de violences conjugales (photo ci-contre). Elle commence à photographier, puis s'interpose. L'homme la bouscule, rétorquant "Je ne vais pas lui faire de mal, c'est ma femme. Je connais ma force, mais je dois lui apprendre qu'elle ne peut pas me mentir". Pendant plus de dix ans, passant des milliers d'heures avec la police, la photographe consacre son travail aux violences "domestiques". Ses images donneront lieu à la publication de l'ouvrage "Living with the Ennemy" (récemment réédité par Aperture), qui permit une prise de conscience des pouvoirs publics et de nombreuses avancées juridiques. Donna Ferrato est devenue une fervente militante, allant jusqu'à créer une association de soutien aux femmes battues..



Ces images sont obscènes. On est saisis, en les regardant, par un sentiment, dérangeant, d'indécence. A pénétrer les secrets de la violence ordinaire à huis clos. Parce que le lieu même qui se doit d'être celui de la sécurité, le foyer, devient celui du danger. Parce que l'ennemi est à l'intérieur. Et que chaque jour, la proie est livrée à son ogre.
Comment concevoir que l'homme aimé, le mari, l'amant, le père de ses enfants, le conjoint, devienne la source de toutes les peurs, de toutes les humiliations ? Comment concevoir qu'il devienne le bourreau, l'auteur de toutes les maltraitances ? 
En donnant à voir cette violence sournoise, cette instrumentalisation de la femme, qui alors se transforme en objet (c'est MA femme), exutoire, dérivatif à toutes les frustrations, toutes les colères, en donnant à voir cette lente mise à mort, l'inacceptable, les sévices, l'outrage aux sentiments et à la confiance, le long et douloureux calvaire, l'incompréhension, l'enfermement, la honte, la culpabilité, Donna Ferrato libère les cris étouffés de ces femmes en souffrance, et ces cris deviennent alors assourdissants et insoutenables. 

Living with the Enemy, Donna Ferrato, introduction Ann Jones, Aperture.
A voir également : 
- Lizzie Sadin : Violence conjugale, Est-ce ainsi que les femmes vivent ? 
Violence conjugale 2, Mâles en poing
- Hien Lam Duc : Femmes, après coup, contre toutes les violences, dire et reconstruire
A contre-coups, par Jane Evelyn Atwood et Annette Lucas, Ed. Xavier Barral