R.O. Blechman, New York 1968 © Lee Friedlander. |
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toutes saisons,
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
Guillaume Apollinaire, Bestiaire, 1911.
The cat is the best anarchist.
Ernest Hemingway, For Whom the Bell Tolls, 1940.
La lampe trône sur le guéridon, les fleurs sur la table basse, le maître de maison au centre du canapé.
Plus discrète, puisque sans visage, la maîtresse de maison (c'est elle, ses chaussures confortables, ses jambes croisées avec distinction, ses mains paisibles la trahissent) vient refermer à droite cet élégant tableau.
Les lignes horizontales du tapis, de la table, du fauteuil, des jambes de la femme, du guéridon, puis du dossier du canapé se suivent et se superposent. Parfaitement parallèles, comme autant de couches successives, elles ordonnent une composition savamment orchestrée dont le seul dessein semble être de faire affleurer le visage de R.O. Blechman dans la partie supérieure de l'image. Alors que ses vêtements et tout son corps se confondent avec le dossier, il semble émerger, imperturbable, sobre, impeccablement rêveur, de la scène.
Mais un élément perturbateur vient tout bousculer. Au premier plan, le chat semble jaillir du décor comme un diable de sa boîte. Son regard méphistophélique laisse présager ses intentions de terrorisme domestique (menu larcin, effraction, massacre de mobilier, délinquance féline enfin). Alors, la présence indocile, malicieusement surgissant dans la scène un peu trop convenue, un peu trop figée, rappelle que c'est bien la singularité, le sentiment d'étrangeté, l'intrusion de l'imprévu, qui – au-delà de la simple anecdote saisie par l'instantané – constituent l'expression visuelle de Lee Friedlander.
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Le décor est planté. Dans la salon, tout repose dans un ordre parfait, lisse.La lampe trône sur le guéridon, les fleurs sur la table basse, le maître de maison au centre du canapé.
Plus discrète, puisque sans visage, la maîtresse de maison (c'est elle, ses chaussures confortables, ses jambes croisées avec distinction, ses mains paisibles la trahissent) vient refermer à droite cet élégant tableau.
Les lignes horizontales du tapis, de la table, du fauteuil, des jambes de la femme, du guéridon, puis du dossier du canapé se suivent et se superposent. Parfaitement parallèles, comme autant de couches successives, elles ordonnent une composition savamment orchestrée dont le seul dessein semble être de faire affleurer le visage de R.O. Blechman dans la partie supérieure de l'image. Alors que ses vêtements et tout son corps se confondent avec le dossier, il semble émerger, imperturbable, sobre, impeccablement rêveur, de la scène.
Mais un élément perturbateur vient tout bousculer. Au premier plan, le chat semble jaillir du décor comme un diable de sa boîte. Son regard méphistophélique laisse présager ses intentions de terrorisme domestique (menu larcin, effraction, massacre de mobilier, délinquance féline enfin). Alors, la présence indocile, malicieusement surgissant dans la scène un peu trop convenue, un peu trop figée, rappelle que c'est bien la singularité, le sentiment d'étrangeté, l'intrusion de l'imprévu, qui – au-delà de la simple anecdote saisie par l'instantané – constituent l'expression visuelle de Lee Friedlander.