© Edouard Boubat |
Ce sont toujours les mêmes questions qui passent par la tête de Tereza depuis l'enfance. Car les questions vraiment graves ne sont que celles que peut formuler un enfant. Seules les questions les plus naïves sont vraiment de graves questions. Ce sont les interrogations auxquelles il n'est pas de réponse. Une question à laquelle il n'est pas de réponse est une barrière au-delà de laquelle il n'y a plus de chemins. Autrement dit : ce sont précisément les questions auxquelles il n'est pas de réponse qui marquent les limites des possibilités humaines et qui tracent les frontières de notre existence.
Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être.
Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer, des heures durant, personne - c'est à cela qu'il faut parvenir. Etre seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elles font. S'il n'est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d'être près des choses : elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays. Dans le monde des choses et celui des bêtes, tout est plein d'évènements auxquels vous pouvez prendre part. Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets.
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète
A première vue, on ne retiendrait que l'anecdote. Un enfant, un parc en automne, un déguisement de feuilles mortes. Mais pourquoi cette image mélancolique et floue, qui semble ne pas donner grand chose à voir, fait-elle partie en quelque sorte d'une mémoire collective de la photographie, presque de l'album de famille ? Parce-qu'elle nous touche bien au-delà de la simple anecdote. L'enfant (sans la légende, rien ne permet d'augurer d'autre chose que de la présence d'un enfant) échoué là, seul, un peu désoeuvré, ses jambes graciles, ses grosses chaussures, nous tourne le dos. Il n'a pas de visage, pas de regard. L'image est en noir et blanc, floue, un peu passée. Passée. Il ne s'agit pas du simple jeu d'une nostalgie un peu imbécile. Le regard absent de l'enfant est le notre, comme sa solitude (quelques silhouettes adultes passent, troubles, tout au fond, le monde s'agite inexplicable et lointain, autour de la fillette plantée là) et sa gravité dans le jeu. La photographie de Boubat nous renvoie à notre propre enfance, à ce qu'il reste en nous de notre part d'enfance, qui fait retour alors même que nous regardons l'image.
A première vue, on ne retiendrait que l'anecdote. Un enfant, un parc en automne, un déguisement de feuilles mortes. Mais pourquoi cette image mélancolique et floue, qui semble ne pas donner grand chose à voir, fait-elle partie en quelque sorte d'une mémoire collective de la photographie, presque de l'album de famille ? Parce-qu'elle nous touche bien au-delà de la simple anecdote. L'enfant (sans la légende, rien ne permet d'augurer d'autre chose que de la présence d'un enfant) échoué là, seul, un peu désoeuvré, ses jambes graciles, ses grosses chaussures, nous tourne le dos. Il n'a pas de visage, pas de regard. L'image est en noir et blanc, floue, un peu passée. Passée. Il ne s'agit pas du simple jeu d'une nostalgie un peu imbécile. Le regard absent de l'enfant est le notre, comme sa solitude (quelques silhouettes adultes passent, troubles, tout au fond, le monde s'agite inexplicable et lointain, autour de la fillette plantée là) et sa gravité dans le jeu. La photographie de Boubat nous renvoie à notre propre enfance, à ce qu'il reste en nous de notre part d'enfance, qui fait retour alors même que nous regardons l'image.