Milomir Kovacevic

Le Petit Trou de Bretagne, Paris  © Milomir Kovavevic

Deux n'est pas le double,
mais le contraire de un,
de sa solitude.
Deux est alliance, fil double
qui n'est pas cassé.
Erri De Luca, in Le contraire de un.

Milomir Kovacevic n'est pas de ces photographes pressés, il sait prendre et donner son temps. Chacun de ses reportages est le fruit d'une longue patience. Investi sans jamais être invasif, son regard aiguisé se pose avec délicatesse et humanité. 
Lorsqu'il se consacre aux souvenirs, petits objets a priori insignifiants, rapportés par les anciens habitants de Sarajevo vivant à Paris, et qu'il recueille les propos de chacun, il vient décrire subtilement l'histoire de son peuple, qui est aussi un peu la sienne, celle de tous les exilés aussi. Qu'il s'agisse de sa longue fréquentation des joueurs d'échec, de ses photographies des supporters de foot derrière le grillage des stades, des festivals de fanfares de Gucca en Serbie, il dresse une galerie de portraits saisissants et pénétrants. Il sait tisser des liens à l'autre, peut-être simplement parce qu'il ne peut faire autrement, par sa discrétion mêlée de chaleur, sa réserve mêlée de détermination, son attention et sa capacité à saisir l'extraordinaire ou la singularité de chacun et de l'instant.
Dans sa formidable série sur le bistro parisien du troisième arrondissement, "Le petit trou de Bretagne", il donne à voir de petits moments du quotidien d'un café de quartier, de ses habitués. Piliers de bars désoeuvrés, étudiants en goguette, amis d'un soir ou de toujours, musique festive, délicates jeunes femmes échouées là par hasard, couples enlacés, élans du coeur, regards perdus, bas résilles croisés derrière le bar, clopes au bec, ballons de rouge, douleurs et douceurs... Il dit un peu la vie, dit aussi, peut-être malgré lui, beaucoup de lui-même. 
Dans son rapport au monde, alliance perpétuelle et sincère à l'autre, Milomir Kovacevic est le contraire de un.