Stanley Greene / Grozny, juillet 1996.

© Stanley Greene

 
Assise sur le bord du lit, la petite fille, visage à l'expression de dureté et résignation mêlées, enfile ses collants. Ou on les lui a enfilés, qu'importe. Ce qui importe, c'est qu'ils pendent. Vides. Comme une peau vidée de sa substance, comme la mue d'un reptile. Les deux prothèses sont à côté du lit. Pour pallier au vide des collants.
Markha Mutapiloum, 3 ans, a perdu ses deux jambes. Sa mère a été tuée alors qu'elle tentait de la protéger pendant un tir de roquettes. Aujourd'hui, elle vit avec son père et sa sœur. Je crois que le terme politiquement correct qu'emploient les armées aujourd'hui est "dommage collatéral". Un terme bien propret. 
Cette image de Stanley Greene est une des plus douloureuses que je connaisse. Elle figure, pour moi, les horreurs de la guerre, au même titre que la célèbre photo de Huynh Cong Nick Ut de la fillette vietnamienne, nue, brûlée au napalm, qui court vers lui en hurlant. Cette image avait éveillé une partie de l’opinion américaine et eu un impact considérable sur le conflit.
Aujourd'hui, l'opinion publique semble rester indifférente au drame tchétchène. A cette guerre qui a pourtant lieu si près de chez nous, européens, français des lumières si prompts à donner des leçons en matière de droits de l'homme.