Polaroids / Walker Evans

© Walker Evans


Whether he is an artist or not, the photographer is a joyous sensualist, for the simple reason that the eye traffics in feelings, not in thoughts.

I bought that thing as a toy, and I took it as a kind of challenge," Evans explained. "It was this gadget and I decided that I might be able to do something serious with it. So I got to work to try to prove that. I think I've done something with it. After all, I am getting older, and I feel that nobody should touch a Polaroid until he's over sixty. You should first do all that work. It makes things awfully easy to have that thing pop out. It reduces everything to your brains and taste. It interests me very much, too, because I feel that if you have these things in your head, this is the instrument that will really test it. The damn thing will do anything you point it at. You have to really know something before you dare point it anywhere.

Walker Evans


Self-portraits in a Photobooth,
vers 1929 © Walker Evans
Lorsque l'on évoque le nom de Walker Evans, on pense d'abord à sa contribution documentaire à la Farm Security Administration. On oublie souvent que durant toute sa carrière de photographe, il expérimenta avec passion les possibilités du dispositif photographique et de la prise de vue. "Les possibilités de la photographie  m'excitent à un point tel, dira-t-il à son ami Lincoln Kirstein, que parfois, j'en deviens presque fou". On peut trouver, par exemple, parmi ses nombreux autoportraits, une série réalisée (non sans un apparent enthousiasme et une évidente facétie) dans des cabines photomathon.
En 1973, Evans, 70 ans, commence à travailler avec un appareil Polaroid SX-70. En moins de trois ans (il décède en 1975), il réalisera des milliers de photos.

Less is more. Un dépouillement, une concision iconique en quelque sorte, émane de ses images. Elles semblent contenir l'expression paroxystique du langage visuel de Walker Evans. On y retrouve les sujets qui ont jalonné son œuvre : portraits, facades, affiches, graffitis, signes.
Affranchi des questions techniques par la simplicité du Polaroid, il va à l'essentiel. Regarder/choisir. Winogrand disait au sujet du travail d'Evans : "Photographs are about what is photographed, and how what is photographed is changed by being photographed, and how things exist in photographs". 
La photographie dans son plus simple appareil.

La petite fille aux feuilles mortes, 1947 / Edouard Boubat

© Edouard Boubat

Ce sont toujours les mêmes questions qui passent par la tête de Tereza depuis l'enfance. Car les questions vraiment graves ne sont que celles que peut formuler un enfant. Seules les questions les plus naïves sont vraiment de graves questions. Ce sont les interrogations auxquelles il n'est pas de réponse. Une question à laquelle il n'est pas de réponse est une barrière au-delà de laquelle il n'y a plus de chemins. Autrement dit : ce sont précisément les questions auxquelles il n'est pas de réponse qui marquent les limites des possibilités humaines et qui tracent les frontières de notre existence. 
Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être.

Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer, des heures durant, personne - c'est à cela qu'il faut parvenir. Etre seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elles font. S'il n'est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d'être près des choses : elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays. Dans le monde des choses et celui des bêtes, tout est plein d'évènements auxquels vous pouvez prendre part. Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets.
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète


A première vue, on ne retiendrait que l'anecdote. Un enfant, un parc en automne, un déguisement de feuilles mortes. Mais pourquoi cette image mélancolique et floue, qui semble ne pas donner grand chose à voir, fait-elle partie en quelque sorte d'une mémoire collective de la photographie, presque de l'album de famille ? Parce-qu'elle nous touche bien au-delà de la simple anecdote. L'enfant (sans la légende, rien ne permet d'augurer d'autre chose que de la présence d'un enfant) échoué là, seul, un peu désoeuvré, ses jambes graciles, ses grosses chaussures, nous tourne le dos. Il n'a pas de visage, pas de regard. L'image est en noir et blanc, floue, un peu passée. Passée. Il ne s'agit pas du simple jeu d'une nostalgie un peu imbécile. Le regard absent de l'enfant est le notre, comme sa solitude (quelques silhouettes adultes passent, troubles, tout au fond, le monde s'agite inexplicable et lointain, autour de la fillette plantée là) et sa gravité dans le jeu. La photographie de Boubat nous renvoie à notre propre enfance, à ce qu'il reste en nous de notre part d'enfance, qui fait retour alors même que nous regardons l'image. 

El at Colombus, Broadway, NY, 1929 / Berenice Abbott

© Berenice Abbott


Does not the very word 'creative' mean to build, to initiate, to give out, to act - rather than to be acted upon, to be subjective? Living photography is positive in its approach, it sings a song of life - not death.
Berenice Abbott


Le soleil, à son zénith, rend éclatant le macadam de la rue et, avec la vue en plongée, écrase les ombres des passants. La rambarde à gauche, rythmée par les horizontales des planches, et la mince ligne blanche à droite viennent tracer deux lignes de fuite qui semblent absorber les passants, si ce n'est la femme qui va à contre sens. 


László Moholy Nagy
Au premier regard, la composition est si parfaitement graphique, la toile de fond si claire, les personnages si savamment disposés sur la page blanche, la présence du cheval factice si incongrue, que l'on pourrait croire à quelque collage de László Moholy Nagy. Cependant, il ne faudrait pas voir ici une quasi-abstraction ou une image onirique, mais au contraire, un regard singulièrement photographique sur la ville : le saisissement de la scène au moment précis où la lumière éclate et génère ce violent contraste, où les passants viennent impeccablement investir l'image, la vue en plongée, la rigueur du cadrage et de la composition. Straight photography. Ni artifice, ni subterfuge, mais une réelle volonté d'adhérence au réel. Deux ans plus tard, celle-là même qui se passionna et fit connaître l'œuvre d'Eugène Atget, allait entamer Changing New York, un immense projet documentaire consacré aux mutations de la métropole et à l'évolution de son urbanisme.

Bons baisers de...



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